En voiture, dans l’ascenseur, au téléphone, nous sommes désormais confrontés à des voix qui nous parlent, qui nous disent même parfois ce que nous devons faire, sans correspondre pour autant à des interlocuteurs en chair et en os. Même si nous y sommes habitués, ces voix artificielles ont toujours quelque chose de troublant. Sans doute parce que la voix humaine renvoie à quelque chose d’éminemment personnel, pour ne pas dire privé. Ce rapport entre voix humaine et intimité est depuis longtemps une préoccupation de la plasticienne et chorégraphe Begüm Erciyas. Pillow Talk, sa nouvelle création, poursuit et prolonge l’expérience déjà menée dans Voicing Pieces où le participant était confronté au son de sa propre voix déformée par un logiciel.
Cette fois, Begüm Erciyas va beaucoup plus loin puisqu’il s’agit, dans cette nouvelle installation, d’une expérience immersive où le participant n’est pas seulement confronté à sa propre voix, mais dialogue, allongé sur un coussin, avec une voix animée par une intelligence artificielle. La position horizontale crée un état d’abandon propice à une plus grande réceptivité. Le participant devient ainsi à la fois acteur et spectateur dans une double confrontation: d’une part avec un interlocuteur qui n’est pas humain; d’autre part avec sa propre voix en train de dialoguer avec ce mystérieux partenaire.
À travers cet échange intime forcément dérangeant avec un automate, Begüm Erciyas souhaite faire prendre conscience du fait que, loin d’être le centre du monde, l’humain n’est qu’un maillon dans un ensemble qui le dépasse.