Directeur de la Volksbühne à Berlin pendant 25 ans, Frank Castorf s’attaque pour la première fois à une tragédie de Racine en français avec des acteurs francophones, dont Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin. Et la confronte à la puissance des mots d’Artaud.
Frank Castorf pourrait bien apparaître comme le maître du théâtre allemand si son esprit rageur et sa verve iconoclaste ne le prédisposaient pas à ruer dans les brancards. Mariant avec une virtuosité féroce théâtre et vidéo, il dialogue avec les grandes œuvres du répertoire (Dostoïevski en tête) à l’appui d’un fracassant jeu d’acteurs. La pièce déroule son intrigue complexe à Constantinople, au palais du sultan Amurat, parti assiéger Babylone. En son absence, le vizir Acomat complote pour mettre Bajazet, alors emprisonné, sur le trône. Roxane, favorite d’Amurat, est amoureuse de Bajazet et correspond avec lui grâce à Atalide, qui n’est autre que l’amante secrète de Bajazet… Au cœur de ce théâtre où les passions intimes mêlées aux enjeux de pouvoir engendrent des catastrophes, tout est affaire de parole, ce qu’elle cache et ce qu’elle déclenche. C’est dans cette prédominance d’une parole extrême, tout entière motrice de l’action, que Frank Castorf ravive les vers de Racine à la flamme de la poésie incantatoire d’Artaud. À la recherche d’un art vivant.