Une haute carrière de marbre excavée, chargée de poudre et de fumées recouvre l’immensité crayeuse du plateau. Ponctuée d’effractions stroboscopiques et de petits éboulements, traversée des grandes vagues hypnotiques et envoutantes de la musique de Rone, l’atmosphère est apocalyptique.
Sous nos yeux et dans nos tempes, se révèle un espace physique et émotionnel paradoxal, dystopique par le chaos qui surgit de cet effondrement et par la rage bientôt addictive des danseurs qui s‘ébattent et s’éreintent devant nous, utopique par la vitalité et l’engagement viscéral de ces mêmes interprètes qui enrôlent nos consciences et nos corps d’un monde en démolition vers sa régénérescence possible.
Les danseurs du Ballet de Marseille emmenés par (LA) HORDE font l’éloge de la force collective. La charge subversive de la musique et de la danse s’exprime au travers de leur grammaire chorégraphique engagée, éruptive, belliqueuse, rageuse, en duos ou en escadron faisant de leur ressenti une arme revendicative, de leur éreintement charnel, une transe, un exutoire puissant à la colère qui gronde.
La carrière monumentale et fragile de (LA) HORDE est un espace d’abandon, de perte de contrôle, de lâcher prise. Les danseurs y sont aussi des passeurs vers notre reconnexion à l’altérité. En mutant, la danse post internet secoue, elle affirme une stylistique qui met en jeu de nouvelles formes d’échappées poétiques, plus rugueuses, à coups de beats narcotiques, de peaux rougies et de dépenses physiques à la limite du hors jeu mais qui ouvre à une « guerre des imaginaires » telle que l’exprime l’écrivain de polars et de science fiction Alain Damasio. « une guerre contre tout ce qui étouffe les utopies politiques qui tentent de réinventer le monde. »