Objets qui bougent tous seuls, effets optiques, fils visibles et invisibles, lumière noire, trappes et miroirs, corps morcelés, assistants et manipulateurs dissimulés… Les magiciens et les marionnettistes emploient souvent les mêmes outils mais ne produisent pas le même genre d’illusions : les spectateurs, même quand ils voient les fils qui animent une marionnette, murmurent souvent « c’est magique » comme s’ils voulaient vraiment croire à l’autonomie de l’objet, alors qu’ils s’exclament « y-a-un fil » dès qu’un magicien fait bouger une carte toute seule, même s’ils ne le voient pas. J’ai eu envie de questionner mes amis marionnettistes sur leur rapport à l’illusion et à la croyance.
Mais ce moment où nous partageons nos interrogations et notre savoir n’est pas une conférence, c’est un cabaret. C’est avec nos outils d’artistes que nous débattons. Les arguments sont mis à l’épreuve au cours de numéros poétiques et fantaisistes créés spécialement pour cette soirée : est-ce qu’un animal vivant peut devenir une marionnette ? Est-ce que des vers de terre pourraient, retrouver des cartes choisies et perdues dans un jeu mélangé ? C’est une des expériences de ce cabaret étrange. Est-ce qu’un automate est une marionnette ou une mécanique ? Est-ce que cet automate est magique ? L’esprit de cette soirée est celui du laboratoire expérimental, de l’échange et de la recherche. C’est l’action et la performance qui activent notre pensée et la rendent vivante.
J’ai proposé à deux camarades marionnettistes de venir agiter ces questions avec moi : Brice Berthoud, avec qui j’échange depuis pas mal d’années sur la prestidigitation et ses techniques, et Chloé Cassagnes que j’ai rencontré lors de son accueil en résidence dans le cadre de la saison 3 du Magic WIP à la Villette. Ils viennent chacun avec un numéro de leur répertoire qui résonne avec les thèmes abordés : Je Tue Nous, en alternance avec Tu me Tues des Anges au Plafond, tournent autour de la question du double. L’utilisation savante des miroirs et des ombres nous plonge dans l’illusion. La deuxième pièce de répertoire est Morceaux de la Femme coupée en Deux de Chloé Cassagnes, un « numéro » qui déconstruit ce tour mythique en faisant surgir diverses figures et personnages de l’intérieur de ce corps scié en deux. Ce numéro est extrait du spectacle La Femme coupée en deux que Chloé Cassagnes créera en février 2022 au Studio Théâtre de Stains (93).
Thierry Collet