Nous sommes dans une petite ville sur les bords de la Volga immense, énorme, que vante Kouliguine, toujours émerveillé par le spectacle du fleuve et des choses. On est plus loin que jamais de Moscou, du centre, de la vie intellectuelle, artistique, de la vie tout court, dans un système social figé, dominé par les marchands (bourgeoisie industrielle et commerçante, souvent issue du servage, qui, notamment dans une petite ville, concentre tous les pouvoirs, économiques, administratifs, policiers, à la manière des oligarques dans la Russie post-soviétique). On sent le poids écrasant de la religion, de l’inculture, de l’alcool. L’inertie domine. On va et vient dans cette ville dans une forme d’errance sur place, les gens déambulent, s’arrêtent, repartent et ne vont nulle part. D’un côté la Volga, de l’autre les murs clos des demeures, les secrets enfermés, la violence sourde, l’alcool pour faire semblant d’être libre. Comédie et tragédie tout ensemble, à chaque instant, l’Orage est un classique ébréché, bizarre, très drôle et très dur. Une pièce d’hier pour aujourd’hui.
Denis Podalydès