Les nkenguegi sont des plantes équatoriales aux longues feuilles coupantes. Au Congo, elles sont utilisées pour protéger les enclos des bêtes sauvages. Celui qui reste à l’intérieur de l’enclos est protégé, mais il est enfermé. Celui qui est à l’exté- rieur de l’enclos est en danger, mais il est libre.
Ainsi va le théâtre de Dieudonné Niangouna, dressé droit au milieu des paradoxes et des décombres d’un monde qui mêle jusqu’à les confondre mythes et actualités, violences et volontés, évidences et mystères. Nkenguegi conclut la «Trilogie des vertiges», trois textes consacrés aux mouvements tressés de forces contradictoires que nous ne pouvons ni arrêter, ni dominer, ni saisir. Ils nous entraînent là où la mémoire et l’expérience vécue se transforment en futur possible.
Dans Nkenguegi, des comédiens et un metteur en scène tentent de montrer l’indicible en créant une version contemporaine du Radeau de la Méduse. Une jeune femme regarde par sa fenêtre et se voit passer dans la rue, un enfant garde le désert et des étudiants organisent une soirée «déguisements et réflexion» dans le XVIe arrondissement de Paris pour tenter de répondre à ce qui leur échappe. C’est l’histoire d’un homme qui dérive au milieu de la mer et ne parvient pas à mourir et d’un comédien national déchu qui doit céder sa place sur les rives du fleuve Congo. Chacun des récits qui se mêlent les uns aux autres dans Nkenguegi s’entend comme une description de situations vécues, une parabole métaphorique et l’autopsie des paradoxes qui se jouent de la vie. Celui qui dérive au milieu de la mer et ne peut pas mourir est à la fois l’image d’un exilé contemporain, un double de l’auteur et une figure des contradictions humaines. Dans le désordre qui circule entre le vécu et la fiction, entre la petite et la grande histoire, Nkenguegi est un rêve du devenir du monde.