Bérangère Vantusso fait le choix de s’emparer de Rhinocéros d’Eugène Ionesco, monument du théâtre de l’absurde, pour en faire résonner l’incroyable modernité. Dans une petite ville de province, tous les habitants se transforment inéluctablement en rhinocéros. Béranger, allergique à la contagion, assiste impuissant à la mutation mentale de son entourage. Plus de soixante ans après son écriture, au moment où l’Europe et plusieurs régions du monde sombrent dans les eaux troubles du nationalisme, la pièce nous saisit par sa terrible actualité. Pour en transmettre toute la force, la metteuse en scène fait du plateau un immense théâtre d’objets, où des cubes en céramique sculptent l’espace en de multiples métamorphoses. Plus qu’un décor, ils forment une sorte de marionnette, matrice inquiétante dans laquelle les six interprètes viennent puiser la source du récit.
Démarrant en fausse piste comme une comédie burlesque, s’achevant en drame dans un abri menacé, Rhinocéros offre une véritable plongée dans le chaos de l’âme humaine.