Vernissage de l’exposition le 12.11 à 19:00
L’exposition Pièces distinguées* propose un dévoilement paradoxal des quelque 250 fonds d’archives et collections particulières rassemblés depuis sa création par la médiathèque du CN D. Dévoilement car c’est pour eux-mêmes que les documents sont ici exposés, comme « pièces d’archives » venant témoigner de démarches d’archivage et de dépôt, et de méthodes de traitement. Paradoxal, car l’ampleur des archives ainsi constituées a conduit à un parti-pris de valorisation radical : choisir, pour manifester chaque fonds, un seul document (textuel, iconographique ou audiovisuel, manuscrit ou imprimé, confidentiel ou publié, original ou reproduit), sans visée représentative ni hiérarchique mais selon mille critères combinés dans le souci de révéler la variété et l’intérêt de ces archives et de saluer ceux et celles qui nous les ont confiées : artistes, critiques et chercheurs, photographes et vidéastes, balletomanes, structures et professionnels de la danse. Alors que la pensée archivistique insiste sur l’organicité propre de chaque fonds, venir les manifester chacun par une pièce ou une série unique, mais reliée aux autres par le jeu de voisinages, d’apparentements, de superpositions, voire de contradictions, est aussi une manière de questionner ce que produit leur addition, leur co-présence et leur sédimentation dans ce qui serait « la » collection du CN D, bref de venir proposer la représentation d’une autre organicité qui serait celle d’un méta-fonds.
Mais quel paysage car là est notre ambition ces pièces distinguées présentées ensemble composent-elles ? Celui bien sûr d’un certain passé de la danse et de ses acteurs, de ce qui en a survécu ou de ce qui aujourd’hui peut en ressurgir, par le moyen et le filtre d’une politique documentaire. Mais, sortis ainsi de leur contexte et dissociés de leur destination ou de leur raison d’être initiale, ces documents – devenus « porteurs d’empreintes » comme le notait l’historien Krzysztof Pomian – viennent aussi ouvrir nombre d’imaginaires, convoquer mille mémoires singulières et susciter peut-être autant de rêves d’histoire, pour reprendre cette fois l’expression de Philippe Artières. Au fil de l’exposition, chacun pourra relier ces traces à son idée de la danse ou son histoire avec elle, reconnaître une démarche, un réseau, un lieu, ou bien, à l’inverse, s’étonner d’un écrit, se laisser saisir par des images insoupçonnées, ouvrir sa perspective sur l’art chorégraphique et ses acteurs. Pièces distinguées sera alors comme un jeu de piste propre à chacun, et peut-être chaque fois différent combinant une variété de matières et de démarches artistiques, d’époques et de milieux, de techniques et de pratiques dansées, de métiers et de parcours, de récits et de représentations.
* Cette expression a été choisie avec la complicité amicale de la chorégraphe et danseuse Maria La Ribot
Laurent Sebillotte