Après Eléna Chernyshova, présentée la saison dernière lors de l’exposition « Tropiques du Grand Nord », nouveau coup de cœur à la galerie Intervalle, avec deux expositions exceptionnelles.
Alain laboile « La tribu »
Une vie au bord du monde où se mêlent l’intemporalité et l’universalité de l’enfance.
Ferronnier d’art, photographe et père de six enfants, Alain Laboile a entamé un album de famille en 2007, à l’âge de 39 ans. De sa cabane-atelier, sur un terrain isolé dans le sud de la France, Alain Laboile s’est mis à observer et à photographier les jeux insouciants de ses enfants. Sans mise en scène, le père photographe les saisit en symbiose avec la nature. La maison, la prairie, les bois, le bassin sont autant de scènes à ciel ouvert où les forces telluriques semblent gagner les jeunes corps en mouvement.
Les photos d’Alain Laboile agissent comme un élixir de jouvence. Les enfants libres et parfois nus s’affranchissent de la pesanteur quotidienne. Exercice délicat que de montrer la nudité à une époque gagnée par une forme de puritanisme. A la manière de Sally Mann, sans fausse pudeur, Alain Laboile explore la chair de sa chair telle qu’elle est. Mais contrairement à l’artiste américaine, il en révèle la formidable énergie plutôt que la face troublante.
France Demay « un parfum de bonheur »
A la veille de la seconde guerre mondiale, alors que les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin s’organisent, des clubs sportifs d’ouvriers parisiens s’entraînent avec passion. Si l’on sent l’énergie d’un engagement sportif et politique sans failles, ces jeunes gens sont aussi dans l’exaltation des tout premiers congés payés. On les retrouve au stade, en forêt, en montagne, à vélo, se mesurant à la course ou au plongeon.
Parmi eux, un témoin, France Demay. Amateur autant sportif que photographe, cet ouvrier qualifié photographie avec spontanéité et un réel sens du cadrage son entourage, captant des instants de bonheur comme un témoignage d’une époque où l’on veut croire en une vie meilleure. (…). Ces images dévoilent tout l’enthousiasme d’un monde ouvrier s’appropriant ses nouveaux temps de loisirs. Ce regard se révèle être un formidable témoin de valeurs sociétales qui construisent encore notre société d’aujourd’hui.
France Demay compose avec une parfaite maîtrise des images à la fois émouvantes, graphiques et symboliques, nous donnant en partage des instants de bonheur, de liberté et d’enthousiasme pour une vie qui semble pleine de promesses. Mais dans les interstices de ce bonheur capté avec fraîcheur, se lit aussi l’engagement politique en ces sombres heures de la montée du fascisme…