Politique, engagé, nécessaire, le théâtre tel que Milo Rau l’envisage manifeste une foi magnifique en la faculté qu’a «la plus ancienne forme d’art de l’humanité» de changer le monde. Le metteur en scène-sociologue suisse aime à concevoir des pièces «légères» – telles que Compassion – en marge de ses grosses productions, comme ce Lenin récemment présenté à la Schaubühne de Berlin, ou cet Agneau mystique qu’il prépare actuellement pour le NTGent, le théâtre dont il vient de prendre la direction. C’est d’ailleurs à ce titre qu’après avoir publié un manifeste façon «Dogme» sur sa conception du théâtre, il lance la série Histoire(s) du théâtre, «enquête performative à long terme sur la plus ancienne forme d’art de l’humanité», dont il se dit le «directeur artistique»: avant d’en confier les futurs volets à d’autres artistes, il met lui-même en scène l’épisode un, autour de la question du tragique. Conçu comme un «jeu allégorique de criminologie» empruntant son titre au philosophe Søren Kierkegaard, La Reprise prend appui – comme jadis Five Easy Pieces, inspiré de l’affaire Dutroux – sur un fait divers ayant traumatisé la Belgique: le meurtre homophobe d’Ihsane Jarfi, assassiné en 2012. Reconstituer l’enquête de manière à la fois documentaire et allégorique est pour Milo Rau le moyen de nous ramener à la naissance de la tragédie.
Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.