Pendant quarante ans, Svetlana Alexievitch a parcouru ce pays qu’on appelait l’URSS et enregistré des centaines de témoignages.
« Ce qui m’intéresse, écrit-elle, c’est le petit homme, le grand petit homme car la souffrance le grandit. Dans mes livres, il raconte lui-même sa petite histoire, et en même temps, il raconte la grande histoire. »
D’une personne à l’autre, de voix en voix, elle a écrit six livres qui n’en font qu’un, un livre sur l’histoire d’une utopie : le socialisme.
La Fin de l’homme rouge fait résonner les voix des témoins brisés de l’époque soviétique, voix suppliciées des Goulags, voix des survivants et des bourreaux, voix magnifiques de ceux qui ont cru qu’un jour « ceux qui ne sont rien deviendraient tout », et sont aujourd’hui orphelins d’utopie.
« J’ai cherché ceux qui ont totalement adhéré à l’idéal. Après la chute de l’URSS, ils n’ont pas été capable de lui dire adieu, se perdre dans une existence privée, vivre, tout simplement. J’ai été choquée et horrifiée par l’être humain et plus d’une fois aussi j’ai eu envie de pleurer de joie devant la beauté de l’être humain. Ce qui m’attirait, c’était ce petit espace, l’être humain, juste l’être humain, en réalité, c’est là que tout se passe. Je suis entourée de ces voix, ces centaines de voix, elles sont toujours avec moi. J’aime les voix humaines solitaires, c’est ce que j’aime le plus, c’est ma passion ».
Emmanuel Meirieu