Phénomène ancré dans la culture et les représentations japonaises, le kawaii est un véritable mode de vie, dont le champ sémantique renvoie à l’idée de vulnérabilité, de fragilité – à des personnes, des images ou des objets considérés comme adorables. Cute en anglais, mi-mi en français, fofo en portugais : on retrouve un peu partout les codés liés à ce monde enfantin, rempli de couleurs, de personnages souriants et de formes rondes et rassurantes. Intriguée par l’ambivalence de ce rapport au monde, la chorégraphe Ana Rita Teodoro s’est penchée sur les questions physiques et politiques soulevées par l’esthétique et le mode de vie kawaii. Faut-il y voir le symbole d’un consumérisme régressif, ou comme un « soft power », un éloge de la douceur, de la lenteur et de la sensibilité ?
À la manière d’une extension du domaine du mignon, elle en a recherché des traces dans l’histoire de l’art, mais aussi dans les coordonnées subjectives du corps adolescent. Utilisant la douceur, la rondeur, la passivité ou l’hypersensibilité comme principes chorégraphiques, un groupe de quatre danseurs interroge la frontière entre enfance et âge adulte, et façonne l’image d’un corps en devenir, malléable et poreux.

Danseuse, performeuse, Ana Rita Teodoro interroge le corps, sa perception et sa compréhension à travers plusieurs filtres – philosophiques, scientifiques ou chorégraphiques. Après un master au CNDC d’Angers intitulé Délirer l’Anatomie, elle poursuit des recherches autour du Butô, notamment de la figure de Kazuo Ôno. De son master, elle a tiré une « collection » d’objets performatifs, parmi lesquels Orifice Paradis ou Assombro (Fantôme Méchant),où la peau, la voix et les organes composent des haïkus corporels troublants. Ana Rita Teodoro est artiste associée au CN D.