Pièce pour 15 danseurs, Crowd s’inscrit avec force dans le travail de Gisèle Vienne qui, depuis plusieurs années, ausculte minutieusement notre part d’ombre et notre besoin de violence. Un cheminement qui, rend à la scène toute sa puissance cathartique. Les pièces de Gisèle Vienne n’ont eu de cesse de sonder, depuis Showroomdummies (2001), les éternelles dualités – Eros et Thanatos, Apollon et Dionysos – qui sont au coeur de notre humanité, la nécessaire soif de violence que chacun porte en soi, dans toute sa part d’érotisme mais aussi de sacré. Crowd est une nouvelle étape dans cette recherche d’une singulière constance. Chorégraphie conçue pour 15 interprètes réunis le temps d’une fête, cette ample polyphonie met en lumière (noire) tous les mécanismes qui sous-tendent de telles manifestations d’euphorie collective, et « la façon dont une communauté spécifique peut gérer (ou non) l’expression de la violence ». Formée à la musique avant d’être initiée à l’art de la marionnette, nourrie de philosophie et d’arts plastiques, Gisèle Vienne met en scène un univers de la fragmentation, où coexistent plusieurs réalités et temporalités. Un univers où les gestes saccadés empruntent tout autant aux danses urbaines qu’au théâtre de marionnette, où la dramaturgie de Dennis Cooper, le DJ set de Peter Rehberg et la musique du duo KTL (Stephen O’Malley et Peter Rehberg) agissent comme autant d’agents perturbant notre perception en même temps qu’ils brouillent la frontière entre intériorité et extériorité, entre rêve éveillé et rave endiablée. À la fois contemporain et puissamment archaïque dans sa dimension cathartique, Crowd est le lieu d’un dialogue « avec ce qui nous est le plus intime ».
Texte écrit par Gilles Amalvi, pour le Festival d’Automne 2017