Les séries « Vestiges d’Empire » et « Veduta »sont présentées en regard l’une de l’autre pour cette deuxième exposition de la saison.
« Lorsque j’ai abordé ce projet fascinant, je n’imaginais pas les nombreuses aventures qui m’attendaient et, encore moins prévisible, les rencontres qui allaient changer ma perception du monde.
L’histoire de l’empire colonial français est ambivalente. Sujet sensible pour certains, il est chargé d’aventures et de récits imaginaires pour d’autres. Les conquêtes successives du premier empire, qui court des Amériques au Sénégal et à l’Inde, puis du second empire, qui s’étend d’Afrique jusqu’en Asie du Sud-Est, ont permis la réalisation de bien des destins. (…)
Si cet ordre politique et social du monde prit fin, il reste une empreinte visible de ces échanges et de cette présence française au-delà de ses frontières.
De Casablanca à Pondichéry, en passant par Saint-Louis du Sénégal, Shanghai, Alger ou Port-au-Prince, ces vestiges sont à la fois modestes et grands. Certains édifices et bâtiments ont traversé les années et racontent encore leurs histoires. (…)
J’ai réalisé cette série et orienté mes voyages en fonction des recherches documentaires effectuées en amont à Paris. J’ai ensuite produit ces photographies en utilisant exclusivement une chambre grand format 4×5″ et des plans films couleurs.
Mon goût pour l’aventure, les traces du temps et les lieux de mémoire ont initié ce projet. Toutefois, avec du recul, j’ai compris que ces ruines ne pouvaient être présentées comme n’importe quelles ruines. Je ne pouvais pas me limiter à les montrer belles ou esthétiques, car elles portent le terrible poids de l’histoire et de la domination d’un peuple sur un autre.
Peu à peu, ce projet m’est donc apparu comme l’opportunité d’aborder, sous un angle original, un sujet bien souvent mis de côté, alors qu’il est justement la source actuelle de nombreuses frictions tant au niveau national qu’international. Quand l’histoire pèse autant sur le présent, il vaut mieux la connaître pour analyser ses conséquences. Nous sommes les héritiers d’une histoire dont la partie visible est composée de ruines évoquant la vanité de peuples suprématistes, et dont la partie invisible vient hanter les crises modernes. »
Thomas Jorion, Juillet 2016