Hélas, le très vieux Faust a lu tous les livres. À l’approche de sa dernière heure, ni la science ni la foi ne valent plus à ses yeux « ce trésor qui les contient tous » : la jeunesse… Pour la retrouver, il va céder son âme à la remuante incarnation du diable, Méphistophélès. Mais l’amour de Marguerite et la puissance divine vont bientôt déjouer les plans démoniaques. Voici le plus célèbre des pactes, transformé par la grâce de Charles Gounod en un opéra immortel.
Peu d’opéras auront connu un sort aussi enviable que le Faust de Gounod : succès flamboyant dès la première, carrière internationale dans la foulée, suivie par un règne ininterrompu sur les scènes, qui lui vaut encore aujourd’hui d’être l’opéra français le plus joué au monde, juste derrière Carmen. Mais faut-il prendre ce Faust au pied de la lettre ? Ou y voir, au détour de la fable, une célébration des plaisirs ? De la ronde démoniaque du Veau d’or conduite par Satan lui-même à Marguerite riant de se voir si belle en son miroir, le spectateur peut goûter à tous les excès, s’enivrer de musique… sans pour autant risquer la damnation.
Une contradiction qui n’échappe pas à l’analyse éclairée de Denis Podalydès. Il voit ici « un opéra fondamentalement anti-puritain dans un monde puritain dont il épouse pourtant le code religieux, et qu’il feint d’observer. Il y a dans cette œuvre un aspect double ou duplice – une hypocrisie structurelle, typique du Second Empire. Car Gounod est un vrai catholique en proie à des démons d’autant plus démoniaques qu’il est fervent chrétien. » Après avoir ausculté une autre grande figure du théâtre, Falstaff, dans sa dimension verdienne, le metteur en scène s’attaque ici au héros tragique de Goethe, utilisant les dialogues parlés de Jules Barbier qui faisaient partie de l’œuvre à sa création en 1859, pour en faire apparaître toutes les ambiguïtés. Façon de célébrer, de l’opéra de Gounod, l’éternelle jeunesse.
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