J’ai lu Proust quand j’étais enfant, au bord de la mer, quand j’étais en forme, la mer informe et depuis je suis entré en religion. Maintenant plus personne ne lit, surtout Proust, ses phrases si longues, ses milliers de pages, écrites sur deux décennies – faut-il le lire en temps réel ?
Or Proust, comme Venise, est à la fois fantôme et vie, sans avenir et plein d’avenir. Je ne me sens jamais mieux qu’à Venise, je ne me sens jamais mieux que dans Proust, je ne me sens jamais mieux que dans les appartements vides, les ruines, les théâtres en ruine, au bord de la mer, ici, au Théâtre des Bouffes du Nord. De Venise, je ne reviendrai à Paris que pour y déployer mon lit de camp, et vous dire Proust et on rigolera ensemble parce que, oui, Proust, comme la vie, c’est pour rire.
Yves-Noël Genod