Bruno Geslin adapte une pièce fracassante de la Renaissance anglaise. Son théâtre pictural et charnel questionne le pouvoir, ses vices et sa vanité face à la mort.
Né la même année que Shakespeare, en 1564, Christopher Marlowe fait figure de météore noir du théâtre élisabéthain. Son Édouard II est une tragédie meurtrière au verbe cru et flamboyant. Le metteur en scène et homme d’images Bruno Geslin en propose une version crépusculaire et baroque. Le vieux tyran – interprété par la comédienne Claude Degliame – a tout perdu et attend sa dernière heure au fond d’un cachot. Son passé violent et ses pulsions de débauche reviennent le hanter. Devant lui, défilent la reine assoiffée de pouvoir, des barons haineux et revanchards et surtout l’irrésistible et vénéneux Gaveston, son amour subversif. Parmi les décombres calcinés de sa mémoire, se dessine une danse macabre tantôt grandiose tantôt grotesque. Car l’humour, féroce, n’est pas absent de la dernière création de La Grande Mêlée. L’entêtante musique du duo électronique Mont Analogue rehausse des tableaux inspirés par le cinéma sensuel du réalisateur underground Derek Jarman. Neuf comédiens et deux comédiennes donnent corps à cette ample fresque théâtrale où chaque personnage est le jouet de ses propres démons.