C’est, avec Le Lac d’argent, un chef-d’œuvre rare et inclassable que l’Opéra national de Lorraine met à l’affiche : un petit bijou d’humour noir et de théâtre de l’absurde. Créée en 1933, cette fable improbable – interdite par les nazis à sa seizième représentation – saisit l’esprit d’une époque empoisonnée.
Parce qu’il a volé un ananas, le prolétaire Severin est blessé par un coup de feu de l’agent Olim. Pour se racheter, ce dernier l’invite au château du Lac d’argent, qu’il a remporté à la loterie. Malgré les tentatives de la gouvernante d’attiser leur haine, les deux hommes se nouent d’amitié. Le lac gèle, esquissant un possible chemin vers la lumière. Mais dans l’ombre, Hitler a entamé sa résistible ascension.
Près d’un siècle plus tard, la musique de Kurt Weill – terriblement inventive et entraînante en diable – nous arrache des larmes de rire et d’effroi. À grands coups de décors spectaculaires et de costumes exubérants, Ersan Mondtag, nouvelle coqueluche du théâtre allemand, électrise cette pièce déjantée : il lui redonne sa brûlante actualité dans une Europe en proie au retour des nationalismes.