Ainsi commence L’Orfeo, favola in musica de Monteverdi, par cette personnalisation de la Musique, descendue sur Terre pour enchanter les êtres et porter l’histoire d’Orphée. Celui dont la musique charmait les pierres, les torrents et les bêtes sauvages. Celui qui aima Eurydice, la perdit, descendit aux Enfers pour la retrouver et la perdit une seconde fois. Celui dont la voix aérienne avait le pouvoir de forcer les portes du royaume des morts.
La première représentation de L’Orfeo, en 1607 au Palazzo Ducale de Mantoue, passa longtemps pour l’acte de naissance de l’opéra occidental. Si cette idée a depuis été battue en brèche, le chef-d’œuvre de Monteverdi n’en demeure pas moins un ouvrage fondateur du genre : l’expression parfaite de l’humanisme de la Renaissance, synthétisant les influences musicales et littéraires de son temps.
Le public de l’Opéra national de Lorraine connaît bien Leonardo García Alarcón, qui a dirigé ces dernières saisons Alcina puis Le Palais enchanté, œuvre qu’il a lui-même recréée. Fort de la conviction que “l’esprit du baroque, les codes inventés depuis Monteverdi dans le laboratoire musical des émotions humaines, continuent d’exister aujourd’hui à travers les musiques populaires du monde entier”, ce chef d’orchestre argentin mène sur le répertoire baroque un travail aussi original qu’enthousiasmant. Sa direction enflammée fait surgir de cet Orfeo, présenté en version concert, une intense théâtralité et une poésie puissante.