Je connais Alima Hamel depuis de nombreuses années, et j’ai pu suivre son beau parcours musical, entre jazz et musique improvisée ou plus précisément composée instantanément. J’ai été touché par sa voix, dont la douceur et l’âpreté mêlées me laissent deviner l’intranquillité de son alchimie intérieure.
J’ignorais tout de son histoire familiale. Comme j’ai pu ignorer à l’époque la vie de ces jeunes filles françaises, celles qui étaient mes copines de classe dans les années 80, condamnées par leur famille à retourner dans un pays qu’elles ne connaissaient pas, sans autre horizon que la séparation avec leur vie française, l’isolement et le mariage.
Alima qui a commencé à chanter à la mort de sa sœur retournée en Algérie, livre aujourd’hui un texte autobiographique, dont le traumatisme familial à Médéa croise celui de la décennie noire algérienne.
J’ai imaginé un espace pour Médéa, qui ne serait pas un dessin, ni une carte géographique, ni une machine, mais tout cela à la fois. Un dispositif comme tuteur d’une histoire, qui imposerait son déroulé, mais démêlerait du même coup les méandres de la mémoire d’Alima, qui ne sais plus vraiment comment tout cela a pu être possible, et qui cherche au-delà de son histoire un sens, mais de son sens il n’y en a pas. « Que dire de mon histoire » interrogeait Pérec. « L’histoire avec sa grande hache l’a déjà fait à ma place. » En écoutant Alima parler avec ses mots de poétesse, j’ai pensé que l’histoire ne nous avait pas tout dit …
Aurélien Bory