De spectacle en spectacle, la chorégraphe Gaëlle Bourges remonte le cours de l’histoire de l’art et des représentations du corps pour en dévoiler les enjeux politiques profonds. Avec cette nouvelle création, elle interroge l’appropriation du patrimoine grec par les grandes puissances occidentales.
Construits sur les hauteurs d’Athènes surplombant majestueusement la baie du Pirée, les temples de l’Acropole constituent depuis le Ve siècle av. J.-C. l’un des témoignages les plus importants de la culture antique méditerranéenne et des rituels sacrés d’hommage aux dieux. Six statues de jeunes femmes, les Cariatides, nous y contemplent avec élégance et mystère, suscitant la fascination de maints amateurs d’art et d’histoire. Il s’agit en réalité de copies, dont les originaux sont aujourd’hui conservés au Musée de l’Acropole et… au British Museum, depuis qu’un aristocrate britannique féru d’art ancien en ordonna le sciage, au début du XIXe siècle, afin d’en décorer sa maison de campagne en Écosse. Une spoliation pleinement légitimée par l’élévation de ces vestiges au rang de symboles communs des origines et des vertus civilisatrices de la démocratie occidentale ; accompagnant les conquêtes coloniales jusqu’au soft power du « rayonnement culturel » contemporain. Sur scène, six danseuses et danseurs restituent les postures des cariatides et de Lord Elgin avec une minutie toute archéologique, tandis qu’une voix off nous en raconte l’histoire détaillée, pimentée par une bande-son qui – des Beatles à Kate Bush en passant par The Clash – reconstitue les étapes de ce curieux voyage en direction du Royaume-Uni.