Objet performatif non identifié créé en 1998, dans un moment d’intense redéfinition de la scène chorégraphique française, Park de Claudia Triozzi est révélateur du décloisonnement à l’oeuvre à cette période : un désir d’élargissement de la danse à d’autres formes, conjugué à la relecture plurielle de son histoire – prenant en compte les arts plastiques, la performance ou le cinéma. Dans cette pièce qui oscille entre la déambulation, l’installation plastique et la performance, on suit le personnage d’Adina, figure féminine soumise à une série de dispositifs contraignants – objets ludiques ou inquiétants qui balisent un quotidien piégé.
Au fil de tableaux vivants minutieusement composés, la relation entre cette silhouette fragile, les environnements qu’elle habite et les machines qu’elle actionne, présente une allégorie domestique, dont le caractère absurde peut vite tourner à l’oppression. Son corps enclavé, réifié, subissant l’action répétitive des engrenages qui l’enserrent, soumet le regard à une solitude et à une séparation radicale. Drôle, touchante, absente à elle-même et au monde, cette soeur lointaine du Chaplin des Temps modernes, ou de la figure de femme-objet créée par Lucinda Childs dans Carnation, nous confronte à un double prisme critique : celui du contrôle physique et symbolique exercé sur le corps féminin, et de la dépossession subjective induite par la mécanisation des gestes. Avec cette dérive fictionnelle revisitant des références hétéroclites, Claudia Triozzi a ouvert un nouveau champ d’investigation scénique qui, dix-huit ans après, n’a rien perdu de sa force critique.