Comment travailler la violence ? Comment la mettre en perspective, en scène, en récit ; comment la mettre en pièces ?
Comment en restituer la logique et les ruses qui la défigurent ou la maquillent – la rendent méconnaissable, acceptable ou la racontent inoffensive pour certain. es ? Est-il possible d’en restituer la complexité, l’historicité ? Depuis quelle position ? Comment saisir la violence et ses échelles dans leur réalité crue : dans ce qu’elle fait, dans ce qu’elle nous fait, tout en demeurant juste, en hommage à ce que l’on n’est plus, à ce que l’on est devenu. e, comme à la mémoire de tout. es celles et ceux que la violence tue, abyme, tétanise, ensilence et rend aphones, amnésiques ou délirant. es, qu’elle dénonce comme insignifiant. es ou à proprement parler barbares ?
Écrire, penser, représenter, chorégraphier la violence, se situer en son sein, la regarder en face ou de biais, la prendre à revers, est-ce une façon d’y survivre, de se sauver, de se réparer soi, de prendre soin de nous ? L’abattre, se battre ; en révéler la mécanique, en dénoncer les rouages et les chausses-trapes – est-ce reprendre souffle, reprendre corps, faire histoire, refaire monde ou reformer de la vie, est-ce politique ? Durant ces deux journées de rencontre, il s’agit de rassembler et de faire dialoguer ensemble des travaux autour de la violence qui tous s’interrogent sur son objectivation depuis les méandres du réputé « sans histoire » ; depuis ce biographique toujours déjà « politique », depuis l’expérience vécue, sensible, musculaire, depuis la mémoire et le choeur des corps, des sens, la bibliothèque des affects et des imaginaires, depuis la fulgurance des luttes, les cultures ensevelies et recouvertes, depuis les vies butées… Philosophes, historiens, écrivain. es, artistes affrontent et minent les cadres historiques, perceptifs (qu’est-ce qui est visible, audible ?), le langage, les récits et les figurations des maîtres comme les coordonnées des vies normales, vivables et intelligibles. Elles et ils travaillent la violence qui se trame dans et par les antagonismes de classe, celle qui imbibée de sexualité, structurée par la race, nous affectent, nous traversent et nous constituent, nous abyme et nous égare, nous désoriente comme sujet de savoir, comme héraut de sens, comme visionnaires et comme réalités historiques.
Faire l’analyse, la chronique, le procès et la critique de la violence, c’est raisonner par dissonance, c’est déjouer, défaire, déconstruire et fabriquer en retour des perceptions, des consciences, des concepts et des visions d’en-bas, au sol, des mondes intérieurs, comme autant de positivités historiques, de densités charnelles ; c’est ouvrir, relayer et raviver de la conflictualité. Durant ces deux journées de rencontre, il s’agit de saisir ces savoirs faire de la critique contemporaine, d’en dessiner la carte, de parler arts du quotidien, de la chair et de la fiction, art du concept, des langages et de la vie, art du récit, des archives et des choeurs, de faire l’inventaire des armes amassées, des forces rassemblées. En philosophie, en histoire, en histoire de l’art et de la création contemporaine, en littérature et avec la sociologie, que nous apprennent les critiques de la violence ?