La tempête est une énigme, c’est une fable où rien ne semble pouvoir être pris à la lettre et si on reste à la surface de la pièce sa qualité cachée nous échappe.
Il y a un mot qui revient très souvent dans la pièce, c’est le mot « liberté » – Et comme toujours avec Shakespeare le mot n’est pas employé d’une manière évidente, il vient comme une suggestion, il résonne tout au long de la pièce comme un écho —-
Caliban veut sa liberté, Ariel la sienne qui n’est pas la même et pour Prospero, il doit se libérer de la tâche qu’il s’est infligé lui-même, la vengeance, et tout ce qui va avec, et qui l’empêche d’être libre. Le Duc Prospero, plongé dans ses livres, à la quête de l’occulte restait dans ses rêves et fut trahi par son frère.
Arrivé en exilé sur l’île, on pourrait croire qu’il va trouver sa liberté car il possède l’art de la magie et peut transformer les éléments à sa guise.
Mais cette magie n’appartient pas à l’humain. Un vrai homme ne doit pas obscurcir le soleil de minuit —- ni sortir les morts de leurs tombeaux — ni déclencher une terrible tempête et faire prisonniers ses anciens ennemis. Le désir de vengeance dévore Prospero, il ne pardonnera que quand il verra l’amour – l’amour que ressent sa propre fille pour le fils de son ennemi le Roi de Naples – envahir et transformer les deux jeunes gens. Il devra alors faire face à lui même et à son cœur et décider qu’il doit laisser la magie, enterrer son baton, pardonner les usurpateurs, surtout son propre frère, rendre leur liberté à Ariel et même à Caliban, renoncer au pouvoir que sa magie lui donnait. Pour finalement rester devant nous, humble, demandant le pardon.
Le dernier mot de la pièce – sans doute le dernier mot que Shakespeare a écrit – est le mot Libre.
Peter Brook et Marie-Hélène Estienne