Ce n’est pas la première fois qu’à l’Opéra de Lorraine, nous programmons en juin un opéra italien pour finir la saison. Ce fut le cas avec Le Barbier de Séville et Rigoletto. C’est, cette saison, Tosca. En cette période privilégiée de l’année où les jours rallongent, où nous rêvons déjà de l’été à venir, où il est bon de s’asseoir à la terrasse d’un café pour siroter un verre de spritz, j’aime l’idée que l’Italie vienne à nous.
Tosca est l’adaptation d’un drame de Victorien Sardou, qui fut en son temps créé par Sarah Bernhardt. Mais l’opéra est aujourd’hui plus connu que la pièce qui l’inspira. Son sujet est l’opéra même : il met en scène une cantatrice passionnée et jalouse, prise dans une intrigue politique haletante dont l’issue sera tragique.
Je suis sensible à la force populaire de l’œuvre. Il me semble que la qualité principale d’une programmation d’opéra est d’être variée et équilibrée : elle doit embrasser tous les siècles du baroque à aujourd’hui et présenter au public des perles rares comme des œuvres populaires. Tosca s’inscrit assurément dans cette dernière catégorie : elle a le pouvoir de nous rassembler, fédérant les artistes, le public et les équipes de la Maison.
Que vous soyez ou non amateur d’opéra, elle est de ces œuvres dont les airs vous sont déjà connus : ils ont traversé la littérature, le cinéma, la publicité,
la culture savante comme la pop culture… Et pourtant la musique de Puccini continue de nous toucher à chaque fois en plein cœur, comme si nous l’entendions pour la première fois.
Pour toutes ces raisons, cet opéra mérite non seulement un plateau de chanteurs d’exception mais également une réalisation scénique ambitieuse. La metteuse en scène Silvia Paoli développe pour cette Tosca une lecture dramaturgique fine d’une grande beauté plastique, centrée sur le personnage de Scarpia. Elle s’intéresse aux jeux politiques qui entourent celui qu’elle qualifie de plus parfait méchant de l’histoire de l’art lyrique. Elle décrit le chef de la police comme un sadomasochiste, hygiéniste, obsédé par une propreté qui dissimule sa pourriture intérieure.
Côté chanteurs – avec Salome Jicia, Rame Lahaj et Daniel Mirosław –
cette Tosca ne compte pas moins de trois prises de rôles pour donner corps à ce brûlant trio d’amour. Ils sont dirigés par le chef d’orchestre Antonello Allemandi, qui peut se prévaloir d’une expérience considérable dans le répertoire italien : il a dirigé des interprétations fortes d’opéras de Verdi, Rossini, Donizetti… Étrangement, il a peu dirigé Tosca, ce qui lui permet d’aborder l’œuvre avec une certaine fraîcheur.